Méthode de la préoccupation partagée

Une démarche éducative et persévérante face à des situations de harcèlement-intimidation entre pairs.

Harcèlement-intimidation entre pairs : Définition

Les phénomènes de harcèlement-intimidation entre élèves se caractérisent par les éléments suivants : répétition de violences, phénomène de groupe exerçant une asymétrie et engendrant une incapacité à se défendre pour l’élève qui en est la cible. La pression à la conformité et la peur sont le ciment du groupe qui ne constitue pas un bloc monolithique. (Dayer 2020)

La capsule vidéo de clarification réfère également aux différentes formes que prennent ces phénomènes et aux principaux indicateurs de repérage.

Cyberharcèlement-intimidation entre pairs

Les phénomènes de harcèlement-intimidation entre pairs sont amplifiés par les réseaux sociaux ou via les voies numériques. L’anonymat et la rapidité de propagation ainsi que l’absence de limites tant temporelles que géographiques les rendent particulièrement préoccupants.

En revanche, les enquêtes montrent que ces phénomènes se déroulent avant tout en présentiel et se prolongent par les voies numériques.

Dès lors, la méthode de la préoccupation partagée peut être appliquée en présentiel et aura également un impact sur les phénomènes en ligne.

Des phénomènes complexes

En tant que phénomènes courants, les situations de harcèlement-intimidation sont présentes dans toute organisation d’accueil des enfants et des jeunes.

De nombreux témoignages de personnes qui en ont été la cible interrogent les professionnel·le·s sur le type de réponse à donner face à ces situations ; de l’indifférence des adultes à des types d’intervention qui peuvent envenimer la situation, les structures scolaires et parascolaires sont amenées à réfléchir à des dispositifs de prises en charge minimisant au maximum les risques de stigmatisation supplémentaire et de représailles ainsi qu’au renforcement de la prévention.

Un soutien aux jeunes-cibles

Dès que les professionnel∙le∙s de l’école ou de la structure sont informé·e·s d’une situation, un accompagnement spécifique est fourni à la ou au jeune-cible.

Cet accompagnement se poursuit tout le long du processus MPP et dure jusqu’à ce que la problématique rencontrée s’améliore.

Déconstruire les dynamiques de groupe

La MPP s’appuie sur la nécessité de briser l’effet de groupe.

Dans ce sens, il s’agit de réaliser des entretiens individuels avec les protagonistes des situations, pour contrecarrer le déséquilibre des forces et l’asymétrie.

Ces entretiens se déroulent avec n’importe quel∙le pair qui peut aider à ce que la situation s’améliore, autant des pairs qui participent beaucoup aux phénomènes, un peu voire pas du tout.

Les intervenant·e·s formé·e·s à la méthode se rendent rapidement compte qu’en permettant aux jeunes de s’extraire de l’influence du groupe, en les réindividualisant, la majorité des protagonistes partagent la préoccupation évoquée par l’intervenant·e face à la situation d’un·e jeune-cible des moqueries ou autres formes de violence.

Agir ainsi leur permet de sortir du piège que constitue les situations de harcèlement-intimidation ; les protagonistes non seulement ressentent la pression du groupe, mais craignent également d’être la prochaine personne ciblée, sentant bien la possibilité que l’atmosphère violente découlant des dynamiques se retournent contre un·e autre membre du groupe.

Une intention de nuire?

Une autre particularité de cette approche est de ne pas se focaliser sur l’intention de nuire des membres du groupe qui tourmentent une personne ciblée.

En effet, les intervenant·e·s partent du principe qu’il existe chez les membres du groupe un désir de sortir de ces situations génératrices de souffrance mais que les protagonistes n’y arrivent pas sans l’intervention des adultes.

Ainsi, sans remettre en question qu’il peut exister une intention de nuire, les écrits d’Anatol Pikas mettent en avant la plus-value en termes d’intervention de ne pas s’enfermer dans une conception « diabolisée » des protagonistes.

Plus fondamentalement, ces phénomènes ne sont pas seulement causés par quelques personnes dont le comportement est agressif et violent ; le risque existe pour tout∙e enfant et adolescent·e·s de participer, de manière proche ou lointaine, aux dynamiques de groupe. D’où l’importance de pouvoir les placer, grâce aux interventions, en situation de venir en aide à celle ou celui qui souffre, sans les culpabiliser, avec une manière de procéder fondamentalement éducative.

Une approche non blâmante

Cette approche est non blâmante, en partant du principe que les sanctions peuvent être contre-productives dans des situations de harcèlement-intimidation.

Premièrement, il existe un risque de stigmatisation supplémentaire des personnes ciblées, dont la situation peut s’empirer avec les blâmes, alors que les professionnel·le·s pourraient partir du principe que la situation est réglée. Deuxièmement, les sanctions ne pouvant être collectives, alors que ces phénomènes sont à considérer en tant que dynamiques de groupe, elles risquent d’être et être vécues comme injustes. Troisièmement, les mesures disciplinaires doivent être légitimées par des preuves, alors que trop souvent, si les adultes se rendent bien compte des souffrances vécues, il peut être difficile de pouvoir s’appuyer sur des faits concrets pour sanctionner les protagonistes. La plupart des situations qui remontent aux adultes se font via des faits ou propos rapportés.

Cela ne signifie pas pour autant que les protagonistes d’une situation de harcèlement-intimidation bénéficient d’une impunité lors d’une prise en charge avec la MPP.

Il convient à ce sujet de distinguer les actes isolés – chaque adulte ayant la responsabilité de réagir face aux violences et de sanctionner si nécessaire – et le suivi global non blâmant de la situation. Au cas où la situation ne s’améliore pas avec l’approche MPP, les actrices et acteurs seront prévenu·e·s qu’un autre type de prise en charge pourrait être effectué, par d’autres intervenant·e·s.

La préoccupation des adultes comme point de départ

Lors des entretiens individuels avec les protagonistes, l’intervenant·e précise d’emblée que le but n’est pas de désigner des coupables et porter des accusations.

L’idée est de partir de la préoccupation des adultes en lien avec une situation de souffrance vécue par un·e camarade, sans mentionner qu’elle ou il ou une autre personne est venu·e se plaindre.

Deux étapes fondamentales

Deux étapes sont primordiales pour réussir à atteindre l’objectif central d’intervention – à savoir améliorer la situation de la jeune ou du jeune-cible.

1. Partager la préoccupation des adultes en lien avec la situation

L’intervenant·e ne passe pas à la deuxième étape – la recherche de proposition – avant de partager la préoccupation.

Ainsi, par exemple, si un jeune dit qu’il n’a rien observé, qu’il ne sait pas ce qu’il se passe avec la personne-cible, l’intervenant·e va lui donner la mission d’observer la situation et de partager ses observations lors d’un prochain entretien.

L’objectif de cette première étape est de donner la possibilité aux protagonistes de se faire du souci pour la personne-cible.

2. Faire émerger des pistes d’action que les protagonistes proposent et peuvent mettre en place pour l’améliorer

Une fois la préoccupation partagée, l’intervenant·e va demander ce que l’élève peut faire faire pour améliorer la situation de son camarade, lui donnant ainsi la possibilité d’œuvrer pour que la situation de souffrance cesse pour l’élève-cible.

L’intervenant·e ne fait pas de suggestions et laisse les différent·e·s protagonistes amener leurs propositions individuelles. L’objectif de cette seconde étape est donc de donner la possibilité aux protagonistes de devenir actrices ou acteurs de la situation de manière positive.

Des entretiens extrêmement courts mais répétés

Les entretiens sont courts ; ils durent au maximum 5 minutes mais ils sont répétés, chaque semaine ou deux fois par semaine selon le niveau de gravité de situation, jusqu’à qu’elle s’améliore.

Répétés pour partager la préoccupation et répétés pour s’assurer que les protagonistes mettent en œuvre leurs propositions d’actions visant à faire cesser les brimades.

L’approche est non blâmante mais résolument persévérante ; les protagonistes doivent sentir que tant qu’une ou un camarade souffre de brimades, moqueries et/ou stigmatisations répétées, les intervenant·e·s seront là, soutenant·e·s et persévérant·e·s.

Travail en équipe et évaluations des situations

La méthode de la préoccupation partagée est mise en œuvre au travers d’un travail en équipe : l’équipe MPP.

Il est primordial que toute situation rapportée soit évaluée au sein de l’équipe permettant de croiser les regards.

A ce titre, des échanges réguliers entre les intervenantes et intervenants de l’équipe MPP se montrent incontournables. Les personnes-cibles sont suivi∙e∙s par des personnes formées à l’accompagnement individuel alors que les autres protagonistes sont rencontré∙e∙s lors de brefs entretiens par des membres de l’équipe formé∙e∙s à la MPP.

Périmètres de l’approche

La méthode de la préoccupation partagée n’est pas utilisée dans toutes les situations de harcèlement-intimidation.

En effet, si s’agit de menace de passage à tabac, de voies de fait graves, de nudes ou sexting non consenti (envois de matériel à caractère intime sans consentement), de violences sexuelles, il est capital de faire une prise en charge avec d’autres approches, selon les dispositifs institutionnels en place et en coordination avec la police.

Communication aux parents

Une attention toute particulière est donnée à la communication avec les parents (en amont, sur le moment et en aval).